[Procès Klaus Barbie : Me Vergès et Mbemba, avocats de la...

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localisation Bibliothèque municipale de Lyon / P0741 FIGRPTP3892 03
technique 1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 15 x 20 cm (épr.)
historique Le procès de Nikolaus dit Klaus Barbie s'est déroulé du 11 mai au 4 juillet 1987 devant la Cour d'Assises du département du Rhône, au Palais de Justice de Lyon. C'était la première fois en France que l'on jugeait un homme accusé de crime contre l'humanité. Les charges retenues contre Barbie concernaient trois faits distincts : la rafle opérée à Lyon le 9 février 1943 à l'Union Générale des Israélites de France (UGIF), rue Sainte-Catherine ; la rafle d'Izieu du 6 avril 1944 ; la déportation de plus de 600 personnes dans le dernier convoi parti le 11 août 1944 de Lyon à destination des camps de la mort. Au terme de huit semaines d'audience, Klaus Barbie est condamné le 4 juillet 1987 à la réclusion criminelle à perpétuité. Il décède le 25 septembre 1991 à la Prison Saint-Joseph à Lyon.
historique Un jour, Me Vergès éclatera de rire. Et il se trahira en glissant une de ses petites phrases ambiguës et provocatrices. D'ailleurs si on a l'impression que les victimes de Barbie sont toujours au bord des larmes quand elles évoquent les "exploits" de leur bourreau, l'avocat de Barbie, lui, donne toujours l'impression qu'il est au bord du fou rire. C'était le cas, le 20 mai 1987, quelques instants avant le début de l'audience. A sa gauche, un nouveau personnage. Un avocat, africain et souriant. On se précipite pour savoir quel est ce nouveau joker sorti de la manche de Vergès. Discussion courtoise. Me Jean-Martin Mbemba, "présentement avocat au barreau de Brazzaville" a été inscrit au barreau de Paris pendant huit ans. Il a 44 ans et exerce ses talents depuis 1970. Est-il venu simplement seconder l'avocat de Barbie ? C'est Me Vergès qui répond : "Pas du tout, il est avocat à part entière, au même titre que moi". Me Mbemba ajoute en souriant : "Je plaiderai et j'interviendrai dans les débats si besoin est". Cet avocat congolais est un pénaliste. Il s'est spécialisé dans les procès politiques, en défendant notamment les assassins présumés du président de la République congolaise, en 1978. Il s'est également distingué en assistant le numéro deux du Parti Congolais du Travail qui n'a écopé "que" de cinq ans de prison avec sursis, bien que mis en cause dans une affaire de terrorisme. Sa rencontre avec Vergès, il la résume simplement : "J'ai fait sa connaissance sur le terrain en plaidant avec lui en Afrique, en lisant ses livres et ses prises de positions..." Me Vergès ajoute : "Nous sommes sur la même longueur d'onde. Car nous sommes tous les deux convaincus que le crime contre l'humanité n'est pas une invention allemande. Que les Français, les Anglais... ont également fait leur preuve !" Pour ce nouvel avocat, le procès de Klaus Barbie est "un procès politique". Il ne sera pas payé "parce que c'est un procès politique". Et il est résolu à défendre l'ancien SS car il "plaide contre toutes les injustices, qu'elles soient jaunes, noires ou blanches". Très vergessien tout ça. Me Mbemba explique qu'il est un adepte de cette fameuse "défense de rupture", stratégie mise au point par Me Vergès. Mélange de provocation esthétique et d'obstruction politique qui consiste pour l'avocat de rupture à finalement refuser aux juges le droit de juger. A renverser l'accusation, à se transformer en procureur, au nom d'un droit supérieur, celui du combattant politique. "C'est une idée que je pratique dans tous les procès politiques". Une cause difficile à défendre celle de l'ancien chef de la Gestapo lyonnaise ? L'avocat de Brazzaville esquive la question : "C'est une cause qui concerne l'humanité toute entière. Il était choquant qu'il n'y ait pas d'Africain dans ce procès. Car les Africains ont pris part à la deuxième guerre mondiale. D'ailleurs De Gaulle avait choisi Brazzaville comme terre d'élection". Et quand on insiste sur la particularité de cet accusé, il répond : "C'est une cause comme toutes les autres causes. Bien que les problèmes relatifs à l'humanité sortent de l'ordinaire car ils engagent la liberté des peuples. De toutes façons, un avocat doit défendre toutes les causes quelles qu'elles soient." Pourquoi lui, un Noir, dans un procès organisé pour juger un homme et à travers lui un idéologie raciste ? "Pourquoi pas moi !", réplique Me Mbemba en précisant qu'il a rendu visite à Barbie, dans la matinée, à la prison Saint-Joseph et qu'il a été choisi par la famille de l'accusé. Cet avocat a juste fait une apparition le 20 mai 1987. Il repart le lendemain dans son pays pour revenir dans "quelques semaines". Cette fois, alors il restera jusqu'au bout. Mais au fond, il l'avoue lui-même : "le problème c'est pas le dossier !" L'intérêt sans doute, est pour Me Vergès de pouvoir murmurer ce genre de petite phrase, en souriant : "Désormais la majorité du genre humain est représenté sur les bancs de la défense. L'Asie et l'Afrique sont manifestement la majorité du genre-humain ! Le rapport de force reste déséquilibré en notre faveur..." Source : "Le Congolais de Vergès" / Ph.B.L. [Philippe Brunet-Lecomte] in Lyon Figaro, 21 mai 1987, p.7.
note bibliographique L'Autre mémoire du crime contre l'humanité / Jean-Martin Mbemba, 1990 [CHRD, HR337 MBE]. - Wikipédia (en). [En ligne] : https://en.wikipedia.org/wiki/Jean-Martin_Mbemba (consulté le 09-09-2016).

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